Abstract: Une part de plus en plus importante de la societe francaise est confrontee a la necessite et/ou a la possibilite de recourir au systeme de protection sociale du fait de l’augmentation des inegalites sociales et des situations de pauvrete. Parallelement, un phenomene antinomique interroge les pouvoirs publics : le non-recours aux droits sociaux (Warin, 2010). Notre these de doctorat s’est focalisee sur la comprehension de ce phenomene en lien avec celui de la pauvrete, du point de vue de la psychologie des representations sociales (Moscovici, 2013 ; Jodelet, 2015). Une demarche de triangulation methodologique (Apostolidis, 2006), melant methodes qualitatives et quantitatives, nous a permis d’observer et de recueillir en contextes les representations sociales decrivant, expliquant et organisant ces pratiques de droit et ce qui les rend difficiles. Plusieurs themata participent particulierement a l’interpretation des experiences vecues et a l’orientation des actions. D’abord le themata complexe-simple permet de decrire et d’expliquer les pratiques de droits, renvoyant au processus d’objectivation propre au fonctionnement de la pensee sociale. La simplification de l’acces aux droits et sa familiarisation, necessaire aux recours, sont rendues possibles grâce aux savoirs acquis dans l’experience passee de la pauvrete et du droit, et grâce aux autres partageant leurs savoirs experientiels, scolaires, culturels et experts. Ces experiences vecues font aussi emerger le themata force-faiblesse. La force comme vertu sociale, liee au courage et a la volonte, permet de ne pas faiblir, associe l’image de la chute et des corps qui se « laissent aller », et de s’activer pour faire face aux difficultes socio-economiques et d’acces aux droits. Mais la faiblesse apparait paradoxalement comme un moyen d’etre reconnu dans la sphere du droit, mettant en tension la demande de reconnaissance. Cette demande fait cohabiter simultanement les deux mouvements caracterisant le processus d’ancrage : la reconnaissance et la stigmatisation. Ces experiences vecues s’inscrivent encore dans les representations sociales de la justice et dans des rapports d’allegeance ou de defiance envers le droit et la justice instituee, faconnant des usages differencies du systeme de protection sociale et des formes de fragilisation des representations sociales de la justice. Nous montrons que ces dernieres s’inscrivent dans l’echange don/contre-don et faconnent differemment le recours en fonction de qui est identifie comme donateur et donataire. Finalement, a travers ces trois themata (simple-complexe, force-faiblesse, justice-injustice) nous avons montre la pregnance, dans ces contextes sociaux, de representations sociales totales autour desquelles s’organise l’experience des sujets, leur rapport au monde et a eux-memes, leurs recours aux droits sociaux et leurs participations sociales. A travers chacun de ces themata se joue l’enjeu de la reconnaissance (symbolisation) ou de la non-reconnaissance (stigmatisation) structurant l’ensemble de la construction des representations et des pratiques sociales des sujets sociaux recourant aux droits sociaux en situation de pauvrete relative.