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La question des valeurs dans Totalité et infini de Lévinas

01 Jan 2002-Vol. 12, Iss: 2, pp 33-44

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Valeur et existence

  • Le thème de la valeur est abordé, entre autres, dans le rapport de la vie avec la distinction entre l'essence et l'existence :.
  • La vie est une existence qui ne précède pas son essence.
  • Cette notion de jouissance désigne le plaisir que le moi peut avoir de toutes choses du domaine empirique.
  • Ce qui fait le moi, la personnalité, tient dans le L'apparition de l'Infini comme Désirable dans le fini, c'est-à-dire le moi, a lieu dans ce que Descartes avait nommé l'idée d'Infini.
  • Alors seulement, par la religion, la vérité pourra surgir dans le discours et dépasser ainsi la simple rhétorique par la justice vue comme reconnaissance d'autrui en tant que guide.

Conscience de la mort et temporalité

  • La conscience du dernier moment instaure une temporalité dans la vie du moi.
  • On pourrait alors reformuler le cogito cartésien : je pense donc je sais que je vais mourir.
  • Pour retrouver un sens derrière l'inéluctable de notre destin, Lévinas suggère l'existence pour Autrui, le renforcement du Désir, l'exercice altruiste de la bonté.
  • Vivre dans une dimension temporelle instaurée par la perspective de la mort devrait amorcer une attitude de patience, d'espoir, détroussant la volonté du moi de son caractère égoïste, par le Désir métaphysique d'autrui.

L'au-delà du visage d'autrui

  • Enfin, la notion de visage d'autrui annonce son propre dépassement par la thématique de l'au-delà du visage.
  • Le premier niveau, étudié précédemment, concernait le moment originel de la rencontre avec Autrui.
  • Ce moment, que l'on pourrait qualifier de formation de la conscience, accompagne le processus identitaire du moi.
  • Or, autrui, par l'expression de son visage, engage le moi à l'altérité.
  • Il s'agit, selon nous, de la conception primordiale de l'extériorité selon Lévinas, telle que nous l'avons présentée jusqu'à maintenant, que l'on peut aisément considérer comme une valeur.

En guise de conclusion

  • Lévinas use de prudence à employer le concept de valeur dans Totalité et Infini.
  • Nous croyons que cette attitude, plutôt timorée, témoigne peut-être d'une crainte d'un relativisme de nature subjectiviste.
  • En effet, l'auteur pourrait laisser entendre que chaque valeur est propre à l'agent moral et ainsi on perdrait tout critère de vérité.
  • Les valeurs les plus fortes annoncées sont celles de l'amour conjugal, de la paternité, de la filiation et de la fraternité.
  • La guerre doit alors être vue comme le fruit des hommes aliénés.

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Horizons philosophiques
La question des valeurs dans Totalité et infini de Lévinas
Francis Careau
Valeurs et modernité
Volume 12, numéro 2, printemps 2002
URI : https://id.erudit.org/iderudit/801206ar
DOI : https://doi.org/10.7202/801206ar
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Éditeur(s)
Collège Édouard-Montpetit
ISSN
1181-9227 (imprimé)
1920-2954 (numérique)
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Citer cet article
Careau, F. (2002). La question des valeurs dans Totalité et infini de Lévinas.
Horizons philosophiques, 12(2), 33–44. https://doi.org/10.7202/801206ar

LA QUESTION DES VALEURS
DANS TOTALITÉ ET INFINI
DE LÉVINAS
En
ces
temps
de
lutte
au
terrorisme
qui
prend bien souvent
l'allure
de
chasse
aux
sorcières,
la
philosophie d'Emmanuel Lévinas
sur
la
guerre
et
l'altérité dans
son
œuvre Totalité
et
Infini invite
à la
réflexion dans
un
sentiment d'urgence. Tout
au
long
de sa vie, le
penseur
a
continuellement dissocié
la
morale
de la
politique, jugeant
cette dernière comme
une
mise
en
scène figeant
l'être
dans
une
totalité, menant parfois
à la
fatalité
des
rapports belliqueux
commandés
par une
logique
du
pouvoir
et une
liberté inconséquente
parce
que
sans bornes. Lévinas considère
que le
pouvoir,
le
concept
spécifique
du
politique,
est
fondamentalement meurtrier
de
l'Autre.
C'est
d'ailleurs
à
partir d'une présentation du phénomène
de la
guerre
que Lévinas amorce
sa
réflexion
au
sujet
de la
problématique
des
valeurs
:
La guerre ne se range pas seulement
-
comme
la plus grande
-
parmi les épreuves dont vit la morale. Elle
la
rend dérisoire.
L'art
de
prévoir et
de
gagner
par tous
les moyens la guerre
-
la
politique
-
s'impose,s lors, comme l'exercice même
de
la raison.
La
politique s'oppose
à la
morale, comme
la
philosophie à la naïveté.
1
.
Cette pensée
du
fondement
de la
guerre
est à ce
point impor-
tante,
car
elle critique
un
même mouvement
de
totalisation rencontré
dans
la
métaphysique occidentale,
de
Leibniz
à
Hegel.
La
thèse
principale du livre
de
Lévinas réside dans une quête
de
l'altérité, c'est-
à-dire
de
l'extériorité, ne se réduisant pas
à
une totalité ou un système
clos.
En
effet, jamais
le
Même
et
l'Autre
ne
sauraient être comme
deux plans ontologiques relatifs
et d'un
ordre similaire, s'opposant
dans
un
système
qui
fait
un
tout.
Par sa
nature propre, l'altérité
est
dépassement, transcendance. Cette conception
de
l'altérité ouvre
la
voie
à
une lecture métaphysique de l'éthique.
Pour contrer une logique du pouvoir entretenue dans
la
sphère
du
politique, Lévinas
va
ouvrir
un
espace
à la
relation
à
Autrui dans
l'éthique,
en
misant
sur le
concept
de
justice
en
tant qu'impossibilité
1.
E. LÉVINAS,
Totalité
et
Infini,
Essai sur
l'extériorité,
Martinus Nijhoff, La Haye,
(1961)
2®
édition, 1965, p. IX.
HORIZONS
PHILOSOPHIQUES PRINTEMPS
2002,
VOL 12 NO 2 33

Francis Careau
du meurtre. Ainsi, les philosophies du pouvoir dégénèrent souvent en
philosophies de l'injustice, parce qu'elles accordent une grande valeur
à la liberté ontologique plutôt qu'à la justice telle que rencontrée dans
l'éthique et la métaphysique. En arrière plan de cette thèse, c'est la
conception heideggerienne de la liberté qui est ici critiquée
par Lévinas. Le philosophe va développer une éthique de la
responsabilité de l'agent moral, divergeant sur ce point d'une morale
pratique axée par exemple sur la prudence (stoïcisme) ou d'une
morale à finalité esthétique. Tout en étant formulée à l'intérieur de
l'expérience, cette responsabilité agit comme une rupture par rapport
à la totalité en dirigeant son regard vers l'infini.
L'infini
de la respon-
sabilité s'exprime dans le jugement, non pas celui de la fin de
l'histoire, mais dans l'engagement personnel, dans la parole. Ce
jugement se produit dans l'instant, marquant ainsi une forme de
discontinuité du temps de la vie. Enfin, la responsabilité s'inscrit dans
la parole :
dans le discours je m'expose à l'interrogation d'Autrui et cette
urgence de la réponse
-
pointe aiguë du présent
- m'engendre
pour la responsabilité; comme responsable je me trouve
ramené à ma réalité dernière
(p.153).
Nous voulons refaire ce chemin du rapport métaphysique et
éthique dans Totalité et
Infini,
en nous centrant sur la problématique
des valeurs. Nous allons présenter d'abord le rapport entre
langage et valeur, suivi du thème de la valeur et de l'existence,
du désirable et du désiré, de la communauté, de la temporalité et de
l'au-delà du visage d'autrui.
Valeur et langage
La question des valeurs est difficile à aborder à partir de Totalité
et
Infini,
car l'ouvrage ne développe pas ici à proprement parler une
éthique des valeurs. On dénombre d'ailleurs très peu d'occurrences
du terme «valeur». Cela pourrait s'expliquer par le fait que, par exem-
ple,
d'emblée l'œuvre du langage apparaît comme «valeur toujours
positive» (p.47). Est-ce à dire qu'une éthique de la discussion
rem-
place une théorie des valeurs? Dit autrement, on ne s'attarderait pas
à dresser une liste des valeurs, parce qu'elles se résumeraient toutes
à une valeur principale : le dialogue. Dans ce contexte, le langage sert
de lieu pour entrer en contact avec la nudité du visage d'autrui, c'est-
à-dire la manifestation primordiale d'autrui. Par le concept de visage,
autrui représente à la fois l'extériorité, la transcendance et
34 HORIZONS PHILOSOPHIQUES PRINTEMPS
2002,
VOL 12 NO 2

La question des valeurs dans
Totalité
et
infini de
Lévinas
l'infini
qui se révèlent à moi. Or l'ambiguïté propre au problème des
valeurs, c'est que tout en apportant certains éléments qui, nous y
reviendrons, traitent du rapport entre éthique et ontologie, on
s'aperçoit que l'épiphanie du visage transcende le niveau des valeurs.
En effet, «la présentation de
l'être
dans le visage n'a pas le statut
d'une valeur» (p.177), parce que cette manifestation du
visage ne saurait tolérer l'ambivalence entre le vrai et le faux sous-
entendue par toute valeur. En d'autres mots, par son visage, autrui
s'exprime dans une relation d'authenticité qui dépasse le registre
consensuel et relatif des valeurs. En effet, l'altérité, c'est-à-dire l'être-
pour-autrui ne s'appuie pas, selon Lévinas, sur des valeurs
préétablies* si ce
n'est
la bonté du moi : «Être-pour-autrui, ne doit pas
suggérer une finalité quelconque et n'implique pas la position
préalable ou la valorisation d'une je ne sais quelle valeur. Être pour
autrui - c'est être bon» (p.239). Est-ce à dire que cette éthique nie le
fondement de toute valeur? Nous ne le croyons pas. Le concept de
valeur intervient à quelques endroits de Totalité et Infini et ce, en
jouant un rôle parfois très positif et déterminant.
Valeur et existence
Le thème de la valeur est abordé, entre autres, dans le rapport de
la vie avec la distinction entre l'essence et l'existence :
La vie est une existence qui ne précède pas son essence.
Celle-ci
en
fait
le
prix;
et
la
valeur,
ici,
constitue l'être.
La
réalité
de la vie est déjà au niveau du bonheur et, dans ce sens, au
delà
de
l'ontologie.
Le
bonheur
n'est
pas
un
accident
de
l'être,
puisque
l'être
se
risque pour
le
bonheur (p.84).
Ainsi,
la vie est déjà engagée dans le registre de la valeur, par les
aspirations du moi et sa recherche du bonheur. Il ne saurait y avoir
d'exister pur, d'être pur. Cela conduirait à ce que Lévinas appelle
l'ataraxie. Au contraire, la vie humaine est caractérisée par le bonheur
comme accomplissement et condition de l'activité. Alors seulement, le
bonheur culminera en jouissance, véritable «frisson du moi». Cette
notion de jouissance désigne le plaisir que le moi peut avoir de toutes
choses du domaine empirique. Ainsi, la particularité du bonheur de la
jouissance façonnera la personnalité de
l'être
: «Jouir sans utilité, en
pure perte, gratuitement, sans renvoyer à rien d'autre, en pure
dépense - voilà l'humain» (p.107). On pourra dire aussi que la subjec-
tivité réside dans les variantes personnelles apportées par la jouis-
sance et le bonheur. Ce qui fait le moi, la personnalité, tient dans le
HORIZONS
PHILOSOPHIQUES PRINTEMPS
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Francis Careau
caractère propre
de la
jouissance
qui
n'est
ni
biologique, cela serait
réducteur, ni sociologique, cela conduirait
à
une pensée de la totalité.
Or, c'est pour éviter
la
totalisation
que
Lévinas envisage non
pas
l'être
à
partir d'une quelconque ontologie
(à la
manière
de
l'ensemble
de
la
tradition occidentale), mais
l'étant
dans une théorie des valeurs,
une axiologie.
Ce
n'est
donc pas ontologiquement que
la
personnalité
sera définie, mais axiologiquement, avec
le
thème
du
bonheur
: «Le
surgissement
de
soi
à
partir de la jouissance
et
où
la
substantialité
du
moi
est
aperçue non pas comme un sujet du verbe être, mais comme
impliqué dans
le
bonheur
ne
relevant
pas de
l'ontologie, mais
de
Paxiologie
- est
l'exaltation
de
l'étant
tout court» (p.91-92). Ainsi,
ce
qui forge l'identité
n'est
pas ontologique, mais éthique. Cette thèse
est
très forte
et
montre toute l'originalité
de
cette pensée.
L'étant
ne
sera
alors
pas
envisagé
à
l'intérieur d'une participation
à
l'être
dans
une
antinomie entre
l'être
et
l'étant, mais plutôt évalué
par
rapport au
con-
cept de bonheur. En bref, pour Lévinas,
le
moi
ne
réside ni dans l'être,
ni dans
la
raison.
s le
départ,
le
moi,
par le
langage, attribue
une
valeur
au
monde. Cette donation, d'une portée axiologique,
est
déjà
présente dans la vision
et
la jouissance. Que
le
fait de vivre soit perçu
par certains comme heureux
ou
malheureux, agréable
ou
pénible,
le
moi peut
se
retourner contre
la
vie, faisant toujours
de
celle-ci
une
valeur : «Toute opposition
à
la vie,
se
réfugie dans la vie
et
se réfère
à
ses valeurs. Voilà l'amour
de la
vie, harmonie préétablie avec
ce qui
va seulement nous arriver» (p.118). Ainsi
cet
amour
de la vie ne
représente pas un souci d'être, mais
le
bonheur d'être.
La philosophie
de
Lévinas renverse
le
modèle classique faisant
précéder l'éthique
de
l'ontologie
: «Au
dévoilement
de
l'être
en
général,
comme base
de la
connaissance
et
comme sens
de
l'être,
préexiste
la
relation avec
l'étant
qui s'exprime;
au
plan
de
l'ontologie,
le plan éthique» (p.175). C'est dans
le
langage, c'est-à-dire dans
l'ex-
pression comme don de soi, que
l'être
manifeste
sa
portée éthique,
sa
bonté.
L'être
se
déploie
par la
parole,
son
verbe
est
nécessairement
social
et
juste.
Le
langage invite
au
transcendant
et en ce
sens,
il
marque un bris dans
la
continuité de l'être. L'intériorité de
l'être
est,
en
effet, bousculée
par la
parole
de
l'autre
scandant
la
différence. Autrui
m'offre
une
résistance,
de
façon positive.
Ce
primat
de
Paxiologie
sur
l'ontologie dans cette définition
de la
personne s'explique
par le
recours
à la
notion heideggerienne
de
l'ustensile.
En
effet, Lévinas
rappelle que
le
processus d'attribution
de la
valeur
à
l'être
est
actif,
à
la manière d'une possession, d'une prise, remplissant ainsi
une
36
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VOL 12 NO 2


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TL;DR: In this article, the pensee dinspiration phenomenologique d’Emmanuel Levinas montrera qu’etre victime a sens, and the condition de victime reflete le fait que la conscience, caracterisee par sa nature extremement sensible, passive and vulnerable, est otage d'elle-meme.
Abstract: Une explicitation de la pensee d’inspiration phenomenologique d’Emmanuel Levinas montrera qu’etre victime a un sens. Au-dela d’une signification courante et historique, la condition de victime reflete le fait que la conscience, caracterisee par sa nature extremement sensible, passive et vulnerable, est otage d’elle-meme. Prisonniere de son etre physique et en meme temps obsedee par autrui, enfermee en elle-meme et en meme temps ouverte a tous les vents, la conscience souffre de cette tension interne jusqu’a une fission identitaire qui cree le sens meme de la subjectivite. Aux yeux de Levinas en effet, l’unique solution reside dans l’acceptation de ce qui vient de l’exterieur, une sujetion a tout qui permet a la conscience de resoudre sa dialectique, de s’ouvrir a l’infini, d’etre autrement et de retrouver la paix interieure. Cette optique levinassienne est universelle dans la mesure ou le phenomene de la conscience-otage rejoint toutes les spiritualites du monde. A partir de la, des valeurs essentielles pour une education a la paix et a la vie interieure seront proposees.

References
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Book
01 Jan 1991

132 citations

Book
01 Jan 1995

30 citations