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Le connement pédagogique : de la pandémie à
l’expérience d’apprentissage des étudiants
Jean-Luc Denny
To cite this version:
Jean-Luc Denny. Le connement pédagogique : de la pandémie à l’expérience d’apprentissage des
étudiants. Recherches & éducations, Société Binet Simon, 2020, �10.4000/rechercheseducations.10252�.
�hal-02908173�
Recherches & éducations
HS | Juillet 2020
QuelleéducationaveclaCovid-19
Le confinement pédagogique : de la pandémie à
l’expérience d’apprentissage des étudiants
Educational containment : from a pandemic to the learning experience of
students
Jean-LucDenny
Éditionélectronique
URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/10252
ISSN : 1760-7760
Éditeur
Société Binet Simon
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Référenceélectronique
Jean-Luc Denny, « Le confinement pédagogique : de la pandémie à l’expérience d’apprentissage des
étudiants », Recherches & éducations [En ligne], HS | Juillet 2020, mis en ligne le , consulté le 27 juillet
2020. URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/10252
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Propriété intellectuelle
Le confinement pédagogique : de la
pandémie à l’expérience
d’apprentissage des étudiants
Educational containment : from a pandemic to the learning experience of
students
Jean-Luc Denny
Introduction
1 « Qu’est-ce que nous faisons ici ? Si non célébrer une sorte de cérémonie d’un autre
temps » (Serres, 2013). C’est avec ce questionnement que l’auteur interpelle les
auditeurs réunis physiquement à la Sorbonne, à Paris,
1
pour assister à sa conférence.
L’espace métrique et géographique dans lequel nous vivons a changé, les rapports à
l’espace et au temps évoluent. Nous passons d’un espace de concentration avec des
lieux affectés pourvus d’une fonction (comme une banque pour les affaires financières,
un musée pour des œuvres d’art) à des environnements de distribution où tout devient
accessible. Ces derniers sont habités par des communautés qu’il nomme « Petite
Poucette », composées de membres tous familiers du numérique et ayant un rapport
quasi instinctif avec les outils associés (Serres, 2012). Rejoindre cet espace passe par la
construction d’une société apprenante caractérisée par le développement des
intelligences individuelles et collectives. Un tel modèle privilégie un rapport aux
savoirs renouvelé à travers de nouvelles collaborations et des formes diversifiées de
mutualisation de connaissances. Des innovations majeures sont nécessaires notamment
pour les institutions. L’université y joue un rôle majeur pour accompagner ce
changement avec la nécessité de se transformer elle-même (Taddei et al., 2017). Ce
processus s’inscrit dans un contexte marqué par la montée de l’individualisme et le
déclin de repères durables qui contribuent à fragiliser l’entreprise (Bauman, 2013).
La crise sanitaire de 2020 plonge provisoirement la société dans ce nouveau monde,
sans transition ni anticipation. Un monde où le numérique est garant des relations
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1
humaines, économiques, pédagogiques en dépit des risques de surveillance généralisée
auxquels les entreprises du web exposent les utilisateurs (Harcourt, 2020). Le slogan
politique « Opération Nation apprenante : tous mobilisés pour l’école à la maison ! »
rend compte d’une guerre sanitaire d’un nouveau genre. La continuité pédagogique
s’érige en référence dans une société attachée à son modèle éducatif comme un bien
partagé. Si un quasi-consensus de principe sur cet objet apparaît, il laisse dans l’ombre
les principaux acteurs, notamment les apprenants. Familiers d’« apprentissages formels
administrés [obéissant] à une codification bien établie » (Cristol & Muller, 2013, p. 34)
autour de programmes, de lieux privilégiés, de savoirs et méthodes correspondant à un
curriculum, ils se heurtent brutalement à une perturbation de leurs repères. Face à une
situation inédite, et en l’absence de toute anticipation, ils se retrouvent confrontés à un
processus d’enseignement reposant intégralement sur des plateformes numériques.
L’article ambitionne de documenter en quoi cette rupture, produite par la
transformation brutale d’un environnement de formation, fait expérience pour les
apprenants en l’abordant sous l’angle des normes et des valeurs (Durrive, 2015). De
type exploratoire, notre démarche privilégie une approche anthropocentrée visant à
comprendre l’activité des étudiants en prise avec de nouvelles contraintes et
prescriptions situationnelles (Schwartz, 2000).
Revue de littérature
2 La revue de littérature agrège principalement les résultats de deux recensions. La
première est issue de recherches francophones et s’intéresse à la médiation humaine à
distance et aux impacts sur les apprenants (Béché & Schneider, 2019). La seconde, à
dimension internationale, porte sur l’expérience des apprenants dans des dispositifs de
formations ouvertes et à distance (Dieumegard & Durand, 2005). Encore minoritaires
dans les travaux scientifiques davantage focalisés sur les outils techniques (Albero,
2010b), ces approches de nature phénoménologique s’intéressent aux « dimensions
intentionnelles, perceptives, émotionnelles et cognitives » (Dieumegard & Durand,
2005, p. 95) des apprenants.
L’usage des technologies produit angoisse et inquiétude même si des bénéficies
secondaires apparaissent dans l’acquisition de nouveaux outils technologiques. La
flexibilité est un avantage même si elle est ressentie comme insuffisante notamment du
fait des sollicitations de l’entourage direct. La mauvaise estimation du temps d’étude
est massivement à l’origine des abandons (Béché & Schneider, 2019 ; Dieumegard &
Durand, 2005). La médiation humaine par le biais de l’activité tutorielle du formateur et
des interactions collaboratives entre pairs est repérée comme pouvant réduire
l’abandon en favorisant la persévérance des apprenants. Elle « équivaut à une
adéquation entre d’un côté les profils et compétences des apprenants et de l’autre côté
les défis et exigences des formations » (Béché & Schneider, 2019, p. 20). Outre
l’élaboration des contenus, les enseignants doivent concevoir une ingénierie ciblant les
« besoins en matière de développement de l’autonomie et d‘usage des technologies avec
la même rigueur, la même démarche systématique et les mêmes garanties de
scientificité » (Peraya & Peltier, 2020, p. 2). En conséquence, concevoir des dispositifs de
formation en ligne nécessite des compétences spécifiques (Béché & Schneider, 2019). Or
dans la situation objet de notre étude, les enseignants non pourvus initialement de ces
compétences ont dû faire face sans anticipation.
Un manque de feed-back et une difficulté à identifier les attendus sont soulignés. Les
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2
apprenants s’autorisent ainsi à davantage interagir avec le formateur aux dépens des
pairs, contribuant à lutter contre le sentiment de solitude. Un écart apparaît entre la
présomption d’autonomie ressentie par les étudiants et celle perçue par les formateurs
(Dieumegard & Durand, 2005). La capacité à « prendre en charge une bonne partie de la
responsabilité de leur apprentissage » (Dessus, 2010, p. 234) est un facteur de réussite.
Les dynamiques motivationnelles, la qualité de l’engagement personnel ainsi que le
climat socioaffectif des groupes d’apprenants sont repérés comme des facteurs de
réussite (Béché & Schneider, 2019). Les étudiants soulignent que l’usage du numérique
par les enseignants facilite l’accès aux contenus enseignés, simplifie la communication
et le partage de connaissances, dynamique qui favorise les apprentissages et produit un
regain d’implication (Raby et al., 2011).
Cadre théorique
3 Pour comprendre l’activité des apprenants, nous mobilisons la démarche ergologique
créée par Schwartz (2000) sur les fondements épistémologiques canguilhémienne
(1992/1965). Au cœur de la démarche, s’ancre une certaine conception de l’homme dans
son rapport au monde avec comme centre de gravité la notion de débat.
Dans cette approche, l’homme est immergé dans son milieu de vie, qu’il faut distinguer
d’un environnement quelconque, car orienté par lui sur la base de ce qui fait valeur
personnellement (Durrive, 2015). En effet, vivre c’est faire des choix. Aussi, « entre le
vivant et son milieu, le rapport s’établit comme un débat […] où le vivant apporte ses
normes propres d’appréciation des situations, où il domine le milieu et se l’accommode
» (Canguilhem, 1992, p. 147). Une norme se réfère ainsi à un agir en situation, une
manière de faire standardisée en tant qu’elle a fait ses preuves pour satisfaire à des
attentes plurielles. A l’origine de chaque norme, on trouve un processus de
renormalisation sous la forme d’un compromis effectué par le vivant humain
(Schwartz, 2000). Confronté à une épreuve à surmonter, il doit débattre de la situation,
évaluer, délibérer, pour ensuite trancher sur la base de raisons d’agir qu’il juge
prioritaires hic et nunc. C’est bien ce processus que nous cherchons à identifier auprès
des étudiants.
Nous avons recours au triangle de l’activité « agir, savoirs, valeurs » (Schwartz,
1966/2015, p. 148) pour saisir et comprendre comment les étudiants renormalisent en
permanence les nouvelles exigences posées par le milieu et construites pour eux dans
des circonstances inattendues. Si le sommet « agir » traduit une norme mobilisée en
situation, elle est le fruit d’un double construit mettant en dynamique les savoirs et les
valeurs. Les savoirs se réfèrent à l’agir situé. Il faut composer avec ce qu’on sait de la
complexité de la situation, tout en sachant mobiliser des savoirs académiques et/ou
expérientiels contribuant à l’orientation de ses actions. Les valeurs rendent compte
d’un agir qui n’est jamais un geste neutre. Ce dernier exprime une préférence, quelque
chose auquel adhère la personne en renonçant à d’autres possibles. Autrement dit, un
choix qui fait valeur pour la personne (Durrive, 2015). La dynamique de
renormalisation est ainsi ce qui transforme une situation problématique en expérience
car produisant développement et apprentissage (Schwartz, 2004). Ramenée à notre
objet d’étude, il nous importe de saisir les renormalisations des étudiants face à une
situation prescriptive de nouvelles contraintes. Leurs délibérations et raisons d’agir
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