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Le travail manuel : analyseur de curriculum scolaire

Jean Houssaye
- 01 Jan 2000 - 
- Vol. 132, Iss: 1, pp 67-78
TLDR
In this paper, the authors analyse le rapport entre travail manuel and culture a l'ecole, and saisit alors que le statut du travailsmanuel differe profondement selon les choix de societe, mais aussi que la periode contemporaine, elle, est parvenue a l'sexclure de l'ECole.
Abstract
Le travail manuel a-t-il une place a l'ecole ? Pour repondre a une telle question, on peut analyser le rapport entre travail manuel et culture a l'ecole, et ce, a travers les tendances pedagogiques : pedagogie traditionnelle, Education nouvelle, pedagogie socialiste, pedagogies contemporaines. On saisit alors que le statut du travail manuel differe profondement selon les choix de societe, mais aussi que la periode contemporaine, elle, est parvenue a l'exclure de l'ecole.

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Mr Jean Houssaye
Le travail manuel : analyseur de curriculum scolaire
In: Revue française de pédagogie. Volume 132, 2000. Evaluation, suivi pédagogique et portfolio. pp. 67-78.
Abstract
What place is left for craft in school ? To answer this question, we can analyse the relation between craft and culture in school
through various educational trends : traditional pedagogy, "New Pedagogy", pedagogy of the Left, contemporary pedagogies.
Then we realize that craft statute may be quite different, according to society choices, but also that in the contemporary period,
school managed to exclude craft from school world.
Résumé
Le travail manuel a-t-il une place à l'école ? Pour répondre à une telle question, on peut analyser le rapport entre travail manuel
et culture à l'école, et ce, à travers les tendances pédagogiques : pédagogie traditionnelle, Éducation nouvelle, pédagogie
socialiste, pédagogies contemporaines. On saisit alors que le statut du travail manuel diffère profondément selon les choix de
société, mais aussi que la période contemporaine, elle, est parvenue à l'exclure de l'école.
Citer ce document / Cite this document :
Houssaye Jean. Le travail manuel : analyseur de curriculum scolaire. In: Revue française de pédagogie. Volume 132, 2000.
Evaluation, suivi pédagogique et portfolio. pp. 67-78.
doi : 10.3406/rfp.2000.1034
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_2000_num_132_1_1034

Le
travail
manuel
:
analyseur
du
curriculum
scolaire
Jean
Houssaye
Le
travail
manuel
a-t-il
une
place
à
l'école
?
Pour
répondre
à
une
telle
question,
on
peut
analyser
le
rap
port
entre
travail
manuel
et
culture
à
l'école,
et
ce,
à
travers
les
tendances
pédagogiques
:
pédagogie
traditionnelle,
Éducation
nouvelle,
pédagogie
socialiste,
pédagogies
contemporaines.
On
saisit
alors
que
le
statut
du
travail
manuel
diffère
profondément
selon
les
choix
de
société,
mais
aussi
que
la
période
contemporaine,
elle,
est
parvenue
à
l'exclure
de
l'école.
Adam
et
Eve
vivaient
heureux,
d'une
oisiveté
paradisiaque.
La
faute
les
a
jetés
dans
le
monde,
dans
la
mort
et
dans
la
nécessité
de
tra
vailler
de
leurs
mains.
Ils
durent
gagner
leur
pain
à
la
sueur
de
leur
front
;
le
travail
manuel
devint
leur
chance
de
survie
et
le
symbole
de
leur
mal
heur.
Mais,
par
le
fait
même,
c'est
toute
la
quest
ion
de
la
technique
qui
se
donne
ainsi
comme
fort
sensible,
douloureuse
et
dévalorisée.
Ce
n'est
pas
pour
rien
que
Platon
a
si
fortement
posé
l'a
ntagonisme
du
logos
et
de
la
techné.
La
tradition
philosophique
n'a
eu
de
cesse
d'exclure
ou
de
dévaluer
la
pensée
du
fait
technique.
Heidegger
opposera
par
exemple
le
temps
de
la
préoccupat
ion
technique
et
le
temps
authentique
du
pour-
la-mort.
Habermas
différenciera
fortement
l'activité
communicationnelle
et
l'activité
technique
superfi
cielle
et
mondaine.
Homo
faber
a
eu
l'heureuse
idée
de
laisser
la
place
à
homo
sapiens
et
même
à
homo
sapiens
sapiens.
La
Technique,
utilitaire,
instrumentale,
inhumaine,
n'atteindra
jamais
à
la
Culture,
finaliste,
noble
et
désintéressée.
Et
pourtant,
ne
sommes-nous
pas
de
plus
en
plus
dans
un
monde
d'industrialisation
de
la
mémoire,
d'informatisation
du
savoir
et
de
technologies
du
vivant
?
N'est-ce
pas
le
triomphe
de
la
Technique
sur
la
Culture
ou
dans
la
Culture
?
Répondre
positivement
supposerait
que
soit
levée
la
faute
d'Epiméthée
(Stiegler,
1994).
Ce
titan,
frère
de
Prométhée,
était
chargé
de
distribuer
les
diverses
qualités
aux
espèces
mortelles
modelées
par
les
dieux
dans
la
glaise.
Or
il
a
tout
simplement
oublié
de
donner
à
la
race
humaine
de
quoi
survivre.
Pris
de
compassion
pour
cet
être
démuni,
Prométhée
ira
dérober
le
feu
chez
Hephaïstos
et
Athéna.
Les
Revue
Française
de
Pédagogie,
132,
juillet-août-septembre
2000,
67-78
67

dieux
savent
ce
qu'il
lui
en
coûtera.
Mais
la
tech
nique
pouvait
advenir
à
l'homme.
Le
feu,
c'est
bien
entendu
le
principe
créateur
des
arts
et
métiers.
L'homme
n'a
pas
de
nature
ou
n'a
qu'une
nature
dramatiquement
insuffisante
;
seule
la
prothèse
peut
suppléer
aux
qualités
naturelles
qui
lui
manquent.
La
prothèse
cependant
n'est
pas
tant
un
ajout
qu'un
fondement.
Le
travail
manuel
a
longtemps
été
le
signe
de
cette
condition
humaine,
de
cette
possibilité
et
de
cette
obligation
de
trans
former
le
monde
pour
se
faire
homme.
Il
a
lon
gtemps
été
le
lieu
de
l'inscription
technique
de
l'homme
et
de
l'inscription
de
la
technique
dans
l'homme.
Et
pourtant,
comme
nous
l'avons
sou
ligné,
il
ne
semble
pas
faire
partie
de
la
tradition
culturelle
de
l'homme,
de
la
reconnaissance
par
l'homme
de
son
humanité
d'être
de
culture.
Telle
est
la
toile
de
fond
sur
laquelle
nous
vou
lons
analyser
le
rapport
entre
travail
manuel
et
culture
à
l'école,
et
ce
à
travers
les
tendances
péda
gogiques.
Pourquoi
cet
ancrage
pédagogique
?
Parce
que
les
pédagogues
ont
toujours
essayé
de
promouvoir
une
conception
de
l'homme
et
de
la
société
à
travers
un
dispositif
d'école.
Quand
Pestalozzi,
par
exemple
(Soëtard,
1995),
conçoit
dès
1801
l'homme
comme
un
équilibre
entre
la
tête,
le
cœur
et
la
main,
il
appelle
à
construire
l'homme
intégral
à
la
faveur
de
chaque
objet
d'enseignement,
que
celui-ci
soit
d'ordre
intellec
tuel,
moral
ou
technique.
Il
est
donc
possible
d'analyser
le
curriculum
scolaire
sur
cette
base.
Dans
quelle
mesure
telle
ou
telle
pédagogie
prend-
elle
en
compte
le
travail
manuel
et
l'intègre-t-elle
dans
le
curriculum
?
Pourquoi
le
fait-elle
ou
non
?
Quelle
conception
de
la
culture
et
de
la
société
cela
traduit-il
?
Tel
sera
notre
questionnement
qui
interrogera
successivement
la
pédagogie
tradi
tionnelle,
l'Éducation
nouvelle,
la
pédagogie
social
iste
et
les
tendances
contemporaines.
Nous
ferons
ainsi
fonctionner
le
travail
manuel
en
tant
qu'ana
lyseur
du
curriculum
scolaire
dans
les
différentes
pédagogies.
En
fait,
nous
ne
développerons
pas
la
concept
ion
de
la
pédagogie
traditionnelle,
car
elle
est
bien
connue.
Il
est
préférable
de
s'attarder
sur
les
autres
à
qui
elle
sert
de
toile
de
fond.
Rappelons-
la.
La
pédagogie
traditionnelle,
qu'elle
soit
ancienne
ou
contemporaine,
pose
comme
nécessaire
et
fondamentale
la
coupure
entre
l'école
et
la
vie.
Elle
favorise
ainsi
un
type
de
«
culture
»
gratuite,
valorisant
un
type
de
travail
«
cultivé
»
(humanités
ou
mathématiques),
engendrant
une
méfiance
par
rapport
au
monde,
refusant
l'immédiateté
de
la
réalité
industrielle.
Une
telle
pédagogie
ne
se
veut
en
aucune
façon
une
préparation
directe
à
la
vie
professionnelle.
Elle
prépare
bien
à
la
vie,
au
monde,
mais
par
un
savoir
clos
et
dans
une
struc
ture
fermée
qui
«
arme
»
culturellement,
intelle
ctuellement,
pour
affronter
le
monde
et
le
maîtriser,
c'est-à-dire
le
rendre
conforme
aux
modèles
étudiés
et
contemplés
à
l'école.
En
refusant
tout
professionnel,
tout
rapport
à
la
technique,
on
pré
pare
en
fait
indirectement
à
la
vie
professionnelle
ultérieure,
on
établit
les
pré-requis
indispensables
à
une
«
réussite
professionnelle
»
future,
en
faisant
vivre
dans
un
lieu
de
formation
séparé,
social,
l'on
apprend
la
résistance
par
rapport
au
monde.
Pour
les
tenants
de
la
culture
classique,
le
travail
manuel
est
profitable
pour
les
«
autres
»
(les
femmes,
les
pauvres,
etc.).
Seuls
les
critiques
de
cette
péda
gogie
oseront
enfreindre
une
telle
évidence.
Preuve
que
la
pédagogie
traditionnelle
est
fondée
sur
l'exclusion
du
travail
manuel.
Cette
exclusion
fait
partie
de
la
manière
d'envisager
la
véritable
fo
rmation
professionnelle
générale,
gratuite
et
trans
versale
qu'elle
prétend
délivrer.
La
réhabilitation
du
travail
manuel
aura
beau
se
faire
à
certaines
périodes
(les
Encyclopédistes,
Saint-Simon,
Fourier,
Cabet,
etc.),
les
arts
libéraux
firent
peu
de
place
à
l'école
aux
arts
mécaniques.
Les
travaux
à
l'aiguille
dans
les
écoles
de
filles
ne
sont
évidem
ment
pas
une
exception
mais
bel
et
bien
une
confirmation
de
la
sous-culture
scolaire
et
de
la
sous-nature
des
femmes...
Que
l'on
parle
d'ense
ignement
professionnel,
d'enseignement
spécial,
d'enseignement
industriel,
d'enseignement
pr
imaire
supérieur,
rien
n'y
fera
:
la
dévalorisation
du
travail
manuel
est
et
reste
un
fait
face
au
curr
iculum
du
cursus
classique.
À
l'aune
de
ce
dernier,
tous
les
autres
sont
inférieurs.
Car
la
règle
est
bien
celle
de
l'exclusion
du
travail
manuel
de
l'école,
au
nom
de
la
supériorité
et
de
la
spécifi
cité
du
travail
intellectuel.
Ainsi
le
veut
la
culture.
Une
telle
position
est-elle
singulière
ou,
au
contraire,
est-elle
partagée
par
les
autres
concept
ions
pédagogiques
?
L'ÉDUCATION
NOUVELLE
OU
L'ÉCOLE
DE
L'INCLUSION
DU
TRAVAIL
MANUEL
Pour
l'Éducation
nouvelle,
l'homme
éduqué
sera
un
homme
régénéré
par
la
nature,
dans
la
nature,
selon
sa
nature.
Le
milieu
éducatif
devra
être
68
Revue
Française
de
Pédagogie,
132,
juillet-août-septembre
2000

ouvert
sur
la
nature.
L'école
nouvelle
est
une
école
de
la
vie,
une
école
dans
la
vie.
Et
ceci
est
tell
ement
vrai
que
le
mouvement
de
l'Éducation
nouv
elle,
en
proie
à
une
certaine
contradiction
(puis
qu'il
prônait
à
la
fois
l'ouverture
sur
la
vie
et
la
fermeture
par
l'internat),
préféra
ultérieurement
relativiser
l'aspect
internat
pour
mieux
consacrer
l'aspect
ouverture
sur
la
vie.
La
guerre
à
la
civil
isation
urbaine,
très
forte
chez
certains
pédagogues
de
ce
courant,
fut
abandonnée
;
restèrent
l'impor
tance
de
la
vie
communautaire
et
la
nécessité
du
contact
permanent
avec
le
milieu
environnant.
L'école
nouvelle,
en
tant
qu'elle
se
veut
formatrice
à
la
vie,
et
à
la
vie
professionnelle
bien
entendu,
se
définira
comme
une
éducation
naturelle
pour
une
vie
naturelle,
par
une
vie
naturelle.
Pour
ce
faire,
l'école
sera
un
milieu
protégé
et
ouvert.
À
ce
titre,
le
milieu
éducatif
sera
distinct
de
la
société
globale.
Mais,
autant
la
protection
sera
radicale
dans
la
pédagogie
traditionnelle,
autant
elle
sera
relative
pour
l'éducation
nouvelle.
L'ouverture
est
capitale
et
elle
ne
s'inscrira
pas
seulement
dans
la
structure
mais
aussi
dans
le
curriculum,
dans
les
contenus,
soit
dans
la
conception
de
la
culture.
Une
culture
ouverte
Loin
d'être
close
et
gratuite,
la
culture
de
l'école
nouvelle
est
ouverte
en
ce
qu'elle
se
veut
lien
entre
la
vie
et
l'école.
La
culture
de
l'école
nou
velle
est
ouverte
parce
qu'elle
est
à
la
fois
per
sonnelle,
relationnelle,
sociale
et
efficace.
Quatre
dimensions
qui
s'articulent
et
qui
définissent
les
dimensions
de
l'ouverture
prônée
ici.
La
culture
ouverte
est
en
premier
lieu
une
culture
personnelle.
Ces
pédagogues
sont
amenés
à
élargir
le
programme
traditionnel,
centrés
sur
les
clas
siques,
pour
mieux
répondre
aux
aspirations
des
élèves.
Pour
cela,
il
est
nécessaire
de
s'appuyer
sur
la
curiosité
naturelle
de
l'enfant,
de
façon
à
stimuler
leur
intérêt.
Les
matières
traditionnelles
vont
perdre
de
leur
importance
au
profit
des
dis
ciplines
nouvelles,
plus
pratiques,
plus
adaptées
à
l'évolution
de
l'enfant,
même
si
elles
ne
sont
pas
soumises
au
sacro-saint
examen.
Une
telle
trans
formation
du
programme
ne
se
justifie
que
parce
qu'elle
favorise
l'activité
de
l'enfant.
Apprendre,
c'est
se
confronter
le
plus
possible
à
l'expérience
directe,
c'est
faire
des
projets
et
chercher
à
les
mener
à
bien,
c'est
donc
développer
la
quête
du
savoir
à
partir
de
sa
propre
personne.
Il
s'agira
donc
d'insister
sur
le
développement
de
la
sonnalité
tout
entière
plutôt
que
sur
l'intellect
seul.
L'école
est
pour
favoriser
la
personnalisat
ion,
l'individualisation
par
et
dans
la
vie,
à
partir
des
intérêts
du
sujet
pris
dans
toutes
ses
dimens
ions.
Dans
le
même
temps,
et
parce
que
«
c'est
la
vie
qui
cultive
»
selon
l'expression
de
Pestalozzi,
la
culture
sera
relationnelle.
La
personne
ne
peut
se
former
dans
l'individu
que
parce
que
la
personne
est
relation.
Le
maître
n'a
pas
à
présenter
à
l'enfant
les
modèles
du
monde
adulte,
ni
à
servir
de
médiateur
entre
l'élève
et
les
modèles.
La
culture
de
l'enfant
passe
par
l'expression
et
la
communic
ation.
Autrement
dit,
la
culture
personnelle
nécess
ite
l'instauration
de
multiples
relations
entre
les
enfants
et
la
cessation
de
cette
relation
priv
ilégiée
de
l'enfant
avec
le
maître.
Le
groupe-
classe
devient
médiateur
;
les
relations
cultivent.
Collaboration
et
coopération
se
substituent
à
la
compétition
et
à
l'émulation.
La
culture
est
conçue
comme
communication
entre
les
personnes,
comme
tissu
relationnel,
et
non
plus
comme
élévation
vers
les
grands
modèles.
La
culture
est
effort
pour
communiquer
avec
autrui.
Elle
se
présente
comme
une
relation
de
confiance
parce
qu'elle
conçoit
la
nature
comme
positive.
Personnelle,
relationnelle,
la
culture
nouvelle
est
aussi
une
culture
sociale.
L'école,
lieu
de
conquête
de
la
véritable
personnalité,
est
une
société
nouvelle
destinée
à
faire
advenir
une
nouvelle
société.
L'Éducation
nouvelle
a
confiance
dans
l'école,
elle
y
place
sa
foi
et
son
espoir.
Ce
lieu
éducatif
protégé
et
ouvert
permet
de
faire
éclore
un
nouveau
monde.
Et
c'est
bien
à
l'école
qu'il
faut
d'abord
faire
confiance.
Le
peuple
a
besoin
de
l'école
nouvelle,
car
s'il
donne
à
l'éducation
sa
méthode
il
ne
lui
donne
pas
son
but,
ne
cherchant
qu'à
améliorer
son
existence
immédiate.
Les
libres
communautés
scolaires
de
certains
pédagogues
vont
se
présenter
comme
la
fin
de
la
culture
populaire.
Sur
la
même
ligne,
un
grand
réformateur
comme
Kerschensteiner,
en
insistant
tout
part
iculièrement
sur
la
valeur
formatrice
et
la
dignité
du
travail,
défendra
la
dignité
de
la
culture
technique
du
peuple
contre
les
théories
humanistes
qui
veulent
poursuivre
aussi
longtemps
que
possible
la
formation
générale
gratuite.
La
formation
pro
fessionnelle,
soulignera-t-il,
a
elle
aussi
valeur
culturelle
et
éthique
éminente
;
sa
place
doit
être
centrale
à
l'école.
C'est
Dewey
qui
servira
à
fonder
cette
culture
sociale,
sur
la
base
d'une
alliance
entre
l'empirisme
et
l'éducation
à
la
communauté
Le
travail
manuel
:
analyseur
du
curriculum
scolaire
69

sociale.
Dans
une
société
industrielle
qui
vit
sur
la
mutation,
l'école
ne
peut
plus
être
une
prépara
tion-reproduction
de
la
vie.
La
pédagogie
est
vie.
Toute
éducation
doit
mettre
l'enfant
dans
les
conditions
sociales
qu'il
vivra
hors
de
l'école
pour
qu'il
apprenne
à
s'y
mouvoir
de
lui-même
et
par
lui-même
avec
ses
capacités
d'enfant
dans
des
conditions
dégagées
des
préoccupations
des
adultes.
La
réorganisation
sociale
dépend
de
la
reconstruction
de
l'éducation.
On
voit
combien,
dans
l'Éducation
nouvelle,
la
culture
sociale
est
articulée
au
monde
industriel
de
l'époque.
C'est
bien
pour
cette
raison
que
la
culture
sociale
se
doit
d'être
efficace.
La
culture
ouverte
est
en
effet
une
culture
efficace.
C'est
ici
que
l'école
doit
tenir
compte
de
l'évolution
de
la
société
moderne
;
il
s'agit
maintenant
de
répondre
aux
trois
révolutions
fondamentales
:
la
révolution
intellectuelle
par
la
science,
la
révolution
indust
rielle
par
les
techniques,
la
révolution
sociale
par
la
démocratie.
Or
le
développement
des
tech
niques,
avec
l'introduction
du
machinisme
dans
la
production,
a
bouleversé
et
désorganisé
la
vie
sociale
traditionnelle.
Il
n'est
plus
question
pour
l'école
de
poursuivre
sa
route
en
ignorant
ce
monde
réel
;
bien
au
contraire,
l'école
a
une
fonc
tion
adaptatrice
et
régénératrice
par
rapport
au
social
:
c'est
cette
prétention
qui
se
retrouve
dans
la
notion
d'efficacité
que
l'Éducation
nouvelle
n'hésitera
pas
à
revendiquer
contre
la
pédagogie
traditionnelle.
En
voulant
lutter
contre
le
gas
pillage
de
cette
dernière,
elle
unira
la
démocratie,
la
psychologie
expérimentale
et
le
taylorisme.
N'allons
pas
plus
loin
dans
cet
aspect
et
retenons
qu'il
y
a
une
logique
de
la
culture
nouvelle,
celle
de
l'homme
qu'elle
veut
préparer.
La
culture
ouverte
est
donc
professionnalisation
de
l'homme,
fo
rmation
professionnelle,
à
condition
d'entendre
ce
terme
dans
un
sens
général.
L'inclusion
du
travail
manuel
II
est
tout
à
fait
normal,
dans
ces
conditions,
que
le
travail
manuel
soit
inclus,
et
fortement
inclus,
dans
l'Éducation
nouvelle.
La
considération
posi
tive
du
travail
manuel
relève
d'une
longue
tra
dition
;
on
peut
ainsi
citer
Locke,
Rousseau,
Pestalozzi,
Frôbel,
Goethe,
Diderot,
les
révolu
tionnaires
de
1789,
etc.
Sans
considérer
ici
les
filières
spécifiques
(enseignement
technique,
école
d'apprentissage,
sections
professionnelles,
etc.),
il
faut
reconnaître
que
l'école
officielle
française
a
aussi
tenté
d'inclure
le
travail
manuel.
Citons
ici
pour
mémoire
la
loi
de
Buisson
en
1882,
la
créa
tion
d'une
École
normale
spéciale
de
travaux
manuels
en
1884,
les
instructions
ministérielles
de
1923,
1938,
1947
et
1952
sur
les
travaux
manuels
à
l'école
primaire
et
dans
les
«
sections-pilotes
»
des
lycées
et
collèges.
Il
n'en
reste
pas
moins
qu'un
tel
enseignement
sera
toujours
considéré
dans
la
pédagogie
traditionnelle
comme
marginal
et
mineur.
Il
n'en
est
pas
de
même
pour
l'Éducation
nouv
elle.
Les
exemples
de
Pestalozzi,
père
spirituel
de
l'école
nouvelle,
et
de
Dewey,
père
fondateur
de
cette
même
école,
sont
pour
le
montrer.
Dans
toutes
ses
expériences,
Pestalozzi
a
montré
qu'il
croyait
à
l'éminente
dignité
du
travail,
tant
manuel
qu'intellectuel
;
pour
lui,
suivant
l'éthique
protes
tante
calvinienne
du
travail,
ce
dernier
est
la
mani
festation
extérieure
de
la
vie
intérieure
de
l'homme
:
l'éducation
doit
promouvoir
la
vie
intérieure
par
le
travail.
C'est
dire
qu'il
n'y
a
pas
de
forme
dégradée
du
travail
mais
correspondance
entre
le
manuel
et
l'intellectuel.
Pour
sa
part,
Dewey
va
considérer
le
travail
manuel
comme
un
moyen
idéal
de
corre
spondance
entre
l'individu
et
la
société.
Le
travail
manuel
dès
l'école
a
une
signification
sociale
:
par
lui,
l'enfant
prend
contact
avec
les
premières
nécessités
de
la
vie
sociale
;
par
lui,
l'école
devient
une
véritable
communauté
de
travail.
L'école
sociale
active
est
une
école
l'on
apprend
en
agissant,
en
acquérant
le
savoir
par
l'initiative
et
l'expé
rience
personnelles
et
par
l'esprit
de
coopération.
Sous
l'influence
de
l'éducation,
l'évolution
de
l'enfant
passe
par
les
phases
de
formation
qui
ont
caractérisé
l'évolution
de
l'humanité,
d'où
l'impor
tance
de
la
pratique
des
travaux
manuels.
Chez
Dewey,
les
enfants
réalisaient
des
activités
sociales
significatives
:
construction
d'un
bungalow,
fabri
cation
de
chandelles,
tissage
de
la
toile
de
lin,
extraction
de
sucre
à
partir
de
la
betterave.
Toutes
les
définitions
de
l'Éducation
nouvelle
insistent
sur
ce
point
:
unir
l'activité
manuelle
au
travail
de
l'esprit.
C'est
que
le
travail
manuel
a
valeur
édu
cative,
au
sens
fort
du
terme,
tant
sur
le
plan
sen
soriel
que
sur
le
plan
affectif
ou
sur
le
plan
social.
Le
travail
manuel
n'est
pas
un
à
côté
ou
une
compensation
au
travail
intellectuel,
il
lui
est
indi
ssolublement
lié.
À
la
fois
fascinés
par
l'efficacité
américaine
et
son
taylorisme
et
révulsés
par
cette
taylorisation
matérialiste
et
utilitariste,
les
pédagogues
euro
péens
vont
essayer
de
trouver
une
voie
moyenne.
70
Revue
Française
de
Pédagogie,
132,
juillet-août-septembre
2000

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