scispace - formally typeset
Open Access

Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria

Gilbert Meynier
- pp 312-316
TLDR
In 2011, Brazzoduro et al. as mentioned in this paper published a book entitled "Le livre d'Andrea Brazzodeuro, soutenue en 2011 en cotutelle sous les directions d’Annette Becker (universite Paris X -Paris Ouest Nanterre La Defense) and de Vittorio Vidotto (Universita degli Studi La Sapienza de Rome).
Abstract
Le livre d’Andrea Brazzoduro est issu de sa these, soutenue en 2011 en cotutelle sous les directions d’Annette Becker (universite Paris X -Paris Ouest Nanterre La Defense) et de Vittorio Vidotto (universita degli Studi La Sapienza de Rome). Apres des travaux precedents, notamment ceux de Claire Mauss-Copeaux, il s’est lance dans une enquete, minutieuse, mais avec l’esprit critique en eveil, aupres d’une centaine de veterans – tous appeles, a deux exceptions pres – qu’il a deliberement choisis...

read more

Content maybe subject to copyright    Report

Insaniyat / إنسانيات
Revue algérienne d'anthropologie et de sciences
sociales
65-66 | 2014
Algérie1962
Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa.
Memorie della guerra d’Algeria
GilbertMeynier
Éditionélectronique
URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/14915
DOI : 10.4000/insaniyat.14915
ISSN : 2253-0738
Éditeur
Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle
Éditionimprimée
Date de publication : 31 décembre 2014
Pagination : 312-316
ISSN : 1111-2050
Référenceélectronique
Gilbert Meynier, « Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria »,
Insaniyat /
إنسانيات
[En ligne], 65-66 | 2014, mis en ligne le 31 août 2016, consulté le 25 septembre
2020. URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/14915 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insaniyat.
14915
Ce document a été généré automatiquement le 25 septembre 2020.
© CRASC

Andrea BRAZZODURO, Soldati senza
causa. Memorie della guerra
d’Algeria
Gilbert Meynier
RÉFÉRENCE
Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria, Roma-Bari,
Editori Laterza, 2012, 308 p.
NOTE DE L’ÉDITEUR
Soldat sans cause. Mémoire de la guerre d’Algérie.
1 Le livre d’Andrea Brazzoduro est issu de sa thèse, soutenue en 2011 en cotutelle sous les
directions d’Annette Becker (université Paris X -Paris Ouest Nanterre La Défense) et de
Vittorio Vidotto (università degli Studi La Sapienza de Rome)
1
. Après des travaux
précédents, notamment ceux de Claire Mauss-Copeaux
2
, il s’est lancé dans une enquête,
minutieuse, mais avec l’esprit critique en éveil, auprès d’une centaine de vétérans
tous appelés
3
, à deux exceptions près qu’il a délibérément choisis, vu sa connaissance
du terrain, parmi ceux qui ont combattu dans l’Aurès-Nemencha nombre d’entre eux
n’avaient jamais eu l’occasion d’évoquer ainsi leur passé. Son livre suit une progression
en huit parties qui conduit le lecteur de l’établissement des faits via analyses de
terrain d’histoire orale, résultats de travaux sur archives pour peu que leur
consultation ait été possible, et réflexions sur les continuités historiques de Vichy à nos
jours au bilan finement problématisé d’un épilogue clairvoyant sans grandiloquence
4
.
Le titre de cet ouvrage, pensé et intelligent, est visiblement inspiré de la « guerre sans
nom »
5
ces « opérations de maintien de l’ordre » que le Parlement français, sous le
ministère Jospin, a pour la première fois dénommé « guerre » fin 1999
6
.
Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria
Insaniyat / 2014 | 66-65 , إنسانيات
1

2 Les Algériens dénomment guerre de libération (harb tahrīr) l’insurrection, lancée, suite
aux blocages français, le 1er novembre 1954, pour arracher leur indépendance, advenue
le 5 juillet 1962 2012 a marqué le cinquantenaire de leur délivrance du joug colonial.
Cet entrechoc de décolonisation, le plus sanglant qui ait existé, représente toujours,
pour les témoins sollicités par les chercheurs, une plaie toujours à vif. Durant sa
recherche, Andrea Brazzoduro a été marqué par le fait que les Français d’aujourd’hui
vivent encore leur présent sous la pesanteur de la mémoire de ces ex-combattants,
quand bien même le contexte des trente glorieuses ait un temps incité à se distraire, à
consommer, bref à oublier en mettant au rebut le passé colonial. Mais on sait que
refouler n’est pas oublier. L’état actuel des deux sociétés, tant au Sud qu’au Nord de la
Méditerranée, est pourtant lourdement redevable à ce passé qui, consciemment ou non,
a du mal à passer. C’est que plusieurs générations d’Algériens ont vécu leurs rapports
avec les Français comme une relation de discrimination et de violence que le système
colonial avait structurellement installée. Andrea Brazzoduro note que, pour Frantz
Fanon, la guerre de reconquête coloniale de 1954-1962 fut « singulière, jusque dans la
pathologie à laquelle elle a donné naissance ». Il y eut du côté des soldats français
26 000 victimes, et d’après les conclusions fiables du démographe Kamel Kateb, au
moins 400 000 morts côté algérien
7
.
3 Les « années noires » de la décennie 1990, le 11 septembre 2001, les interventions en
Irak, en Afghanistan, aujourd’hui le tragique entrelacs syrien… n’ont guère aidé à
apaiser ce passé douloureux dont la brutalité hantait et hante encore les
représentations des humains. Or, dans les compositions idéologiques-politiques du
début du XX
e
siècle, se renvoient la balle les pouvoirs installés de part et d’autre, les
uns remettant en selle « les aspects positifs de la présence française outre-mer,
notamment en Afrique du Nord »
8
, les autres pouvant aller jusqu’à stigmatiser en
retour dans le colonialisme un Auschwitz permanent et exigeant de la France ce que les
catholiques dénomment une repentance ces entrechocs ont fait capoter le projet de
traité d’amitié entre l’Algérie et la France.
4 Pour Andrea Brazzoduro, la mémoire des appelés d’Algérie ne serait pas sans
ressemblance avec celle de la Shohah : sa thèse est qu’il y aurait des accointances
structurelles entre la mémoire de la guerre de libération anticoloniale de 1954-1962 et
celle, par régime de Vichy collaborateur du nazisme interposé, de la Shohah. Il croit
discerner un lien entre les traumatismes refoulés encore prégnants de ces deux
épisodes de l’histoire. Soit, sauf que l’historien peut-il assimiler la brutale répression
française de 1954-1962 à un génocide ? N’est-il pas aventuré de tout mélanger ? : les
camps d’Auschwitz et de Guelma, n’avaient en commun que le mot « camps » : lors d’un
colloque à Sétif, le ministre des Moudjahidines Mohammed Cherif Abbas a lu le 6 mai
2005 un discours du président Bouteflika il assimilait le colonialisme français au
nazisme et les fours à chaux d’Héliopolis aux fours crématoires d’Auschwitz à
Héliopolis, près de Guelma, avaient été brûlés en mai 1945, dans la hâte, des corps
d’Algériens massacrés par les milices européennes pour que la commission
parlementaire annoncée de Paris n’en trouve pas trace.
5 Quelles que soient les douleurs effectivement endurées par le peuple algérien, au point
son identité a pu paraître en effet comme assimilée à la souffrance, il existe bien,
aussi, un discours officiel légitimant pour l’appareil du système de pouvoir algérien,
une véritable rente résistante. On lira avec intérêt sur ce passé la lucide interview de
Mohammed Harbi du printemps 2005
9
; et sur les camps nazis, les incontournables
Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria
Insaniyat / 2014 | 66-65 , إنسانيات
2

travaux de Florent Brayard qui permettent de prendre la mesure de l’événement
10
Et
l’on sera évidemment d’accord avec Paolo Mieli, dans le long article qu’il a, notamment,
consacré au travail d’ Andrea Brazzoduro
11
sur le fait que la guerre d’Algérie ait pu,
scandaleusement, être dénommée « une mission de paix » ; mais on sera moins
enthousiaste pour approuver sa formule « Après l’hérédité de Vichy, une autre ombre
sur la France ». Toutes les ombres sont-elles semblables ? Et une ombre chasse-t-elle
l’autre, ou s’entremêlent-elles ? Ne faudrait-il pas recourir pour y voir plus clair à des
historiens versés dans la psychanalyse ?
6 Il faut rappeler que, sur la participation des appelés à la guerre de 1954-1962, il y eut en
1955 de nombreuses manifestations hostiles au départ des trains ils étaient
embarqués ; et parler des rétorsions brutales qu’ils subissaient s’ils n’obéissaient pas.
On lira à ce propos la thèse incontournable de Tramor Quemeneur
12
. Certes, on peut
penser que nombre d’entre eux, à l’inverse, furent de facto d’accord avec la guerre
qu’on leur enjoignait de faire : il y eut de vrais partisans de l’Algérie française ; et un
citoyen normé ordinaire n’obéit-il pas aux injonctions d’un pouvoir d’État à la stature
républicaine apprise, précisément, dans les enseignements de l’école républicaine ? Et,
vu le discours colonial qu’elle leur y serinait, ne pensaient-ils pas mener à bien une
mission à eux assignée, cela même s’ils y étaient engagés peu ou prou à contrecœur ?
Alors, des « soldati senza causa » (soldats sans cause) ? Ou des soldats porteurs d’une
cause que certains comprenaient et approuvaient, mais que nombre d’entre eux
saisissaient confusément, voire ne maîtrisaient guère ?
7 A la fin du livre, le lecteur trouve une bibliographie de dix pages, modestement
qualifiée de « orientativa » et intelligemment classée par thèmes, qui indique à quels
ouvrages en anglais, français, italien Andrea Brazzoduro a eu recours, sans compter
les sources iconographiques et les films où il a puisé. Bienvenus, aussi, la liste des sigles
et abréviations et le glossaire des termes arabes et militaires. A lire son livre, le lecteur
ne sera pas surpris de savoir qu’Andrea Brazzoduro est l’un des maîtres d’œuvre de la
revue quadrimestrielle Zapruder. Rivista della conflittualità sociale
13
dont la lecture
apprend qu’il est des intellectuels résolument engagés à gauche à être rationnels et
réfléchis, en Italie du moins.
8 Insolite pour les Algériens et les Français, mais rassurant pour l’historien de tout poil :
le fait qu’un jeune chercheur, ni algérien ni français, analyse avec un savoir-faire
historien exemplaire cet épisode algéro-français, lequel appartient à tous, et pas
seulement aux Algériens et aux Français ; et justement le fait d’être Italien permet une
analyse tierce qui surmonte les blocages franco-algériens. Il faut espérer que ce livre
pourra un jour être traduit en français et en arabe : le maître livre sur la guerre de
1954-1962 de Hartmut Elsenhans, paru en allemand en 1974, n’a jamais attendu que 25
ans pour être publié en français
14
pourtant il ne semble pas être maintenant encore
bien connu des francophones… L’auteur de ces lignes est heureux que le livre d’Andrea
Brazzoduro ait été rédigé en italien, langue latine sœur que les globalisants
d’aujourd’hui saisissent peut-être encore moins que le français dans la conjoncture
anglo-centrée du mondialisme triomphant.
Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria
Insaniyat / 2014 | 66-65 , إنسانيات
3

NOTES
1. I veterani d’Algeria e la Francia contemporanea : Esperienze e memorie del contingente di leva, 1955-2010
[S.l.] : [s.n.], 2011, 433 p.
2. Cf. notamment : Les appelés en Algérie: La parole confisquée, Paris : Hachette, 1998, 333 p., préf. de
Philippe Joutard ; A travers le viseur : images d'appelés en Algérie, 1955-1962, Lyon, Aedelsa, 2003, 120
p. ; Algérie, 20 août 1955 : insurrection, répression, massacres, Paris : Payot, 2011, 279 p.
3. Sur les 2 500 000 soldats français ayant combattu en Algérie, la moitié furent des appelés.
4. -1/ Soldats sans cause dans une guerre sans nom ; -2/ Les rescapés, les associations et les
politiques de la mémoire ; -3/ Les écrans de la guerre ; -4/ À chacun son histoire : le livre vecteur
de mémoire; -5/ De Vichy à l’Algérie; -6/ Le présent du passé; -7/ Des vétérans peu impliqués
(estreaneità) dans l'expérience de la guerre; -8/ « Retrouver la guerre » dans les mémoires.
Épilogue : dans le plan-séquence (immobile/mobile) de la guerre.
5. Cf. Rotman, P., Tavernier, B. (1992), La guerre sans nom : les appelés d’Algérie, 1954-1962, Paris, Seuil
& Le Grand Livre du Mois, p. 305, (1
ère
édit.), issu du mémorable documentaire de 4 h 40 du même
nom et des mêmes auteurs.
6. Loi du 18 octobre 1999. Non sans heurts, celle du 6 décembre 2012 a fait du 19 mars « la journée
nationale du souvenir » en mémoire des victimes de la guerre d’Algérie.
7. Européens, indigènes et Juifs en Algérie, 1830-1962: représentations et réalités des populations; préf. de
Benjamin Stora, Paris : Éd. de l'Institut national d'études démographiques : diff. PUF, 2001,
XXVI-386 p.
8. Cf. alinéa 2 de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 –déclassé par le Conseil Constitutionnel le
31 janvier 2006 sous la pression, notamment, du Président Jacques Chirac pour qui ce n’est pas à
la loi d’écrire l’histoire, mais aux historiens.
9. Par Nadija Bouzeghrane, El Watan, 24 mai 2005.
10. La Solution finale de la question juive: la technique, le temps et les catégories de la décision, Paris :
Fayard & Le grand Livre du Mois, 2004, 650 p.
11. Corriere della Sera (« Il saggio Andrea Brazzuduro rilegge una pagina nera della storia
d’Oltralpe »), 10 juillet 2012, p. 30/3.
12. On lui doit une thèse, non encore publiée, dirigée par Benjamin Stora, et soutenue à
l’université Paris VIII en 2007 : Une guerre sans « non » ?: Insoumission, refus d’obéissance et désertions
de soldats français pendant la guerre d’Algérie : 1954-1962, [S.l.] : [s.n.], 2007, 5 vol., 1394 p.
13. cf. le site www.storieinmovimento.org/
14. Frankreichs Algerienkrieg 1954-1962. Entkolonisierungsversuch einer kapitalistischen Metropole. Zum
Zusammenbruch der Kolonialreiche, München: Car Hanser Verlag, 1974, 908 p ; traduit et publié sous
le titre de La guerre d’Algérie 1954-1962. La transition d’une France à une autre. Le passage de le IV
e
à la
V
e
République, Paris : Publisud, 1999, 1072 p., préface et bibliographie de Gilbert Meynier.
Andrea BRAZZODURO, Soldati senza causa. Memorie della guerra d’Algeria
Insaniyat / 2014 | 66-65 , إنسانيات
4
Citations
More filters
Dissertation

Le temps du "devoir de mémoire" des années 1970 à nos jours

TL;DR: The role des medias, des acteurs politiques, ainsi que des militants de la memoire is analyzed in this paper for comprendre la place et les sens de ce referent social qui formalise un nouveau rapport au passe des contemporains.
References
More filters
Dissertation

Le temps du "devoir de mémoire" des années 1970 à nos jours

TL;DR: The role des medias, des acteurs politiques, ainsi que des militants de la memoire is analyzed in this paper for comprendre la place et les sens de ce referent social qui formalise un nouveau rapport au passe des contemporains.