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Être et Temps

Martin Heidegger, +1 more
- 01 Jan 1987 - 
- Vol. 92, Iss: 3
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TLDR
In this article, the authors discuss the relationship between the Dasein and the Angoisse in the context of affection, and propose a framework to understand the difference between the two.
Abstract
ion de l’étant intramondain afin de ne plus penser qu’au monde devant lequel ensuite l’angoisse va prendre naissance, mais c’est l’angoisse comme mode de l’affection qui, la première, ouvre le monde comme monde. Ce qui ne signifie pourtant pas que dans l’angoisse la mondanéité du monde soit conçue. L’angoisse n’est pas seulement angoisse devant. . . , mais, en tant qu’affection, angoisse en-vue-de. . . Ce en-vue-de, ce pour-quoi l’angoisse s’angoisse n’est pas un mode d’être déterminé, une possibilité déterminée du Dasein. Car la menace, étant elle-même indéterminée, ne peut pas percer — en le menaçant — jusqu’à tel ou tel pouvoir-être facticement concret. Ce pourquoi l’angoisse s’angoisse est l’être-au-monde lui-même. Dans l’angoisse, le disponible intramondain, et en général l’étant intramondain, sombre. Le « monde » ne peut plus rien offrir, et tout aussi peu l’être-là-avec d’autrui. L’angoisse ôte ainsi au Dasein la possibilité de se comprendre de manière déchéante à partir du « monde » et de l’être-explicité public. Elle rejette le Dasein vers ce pour-quoi il s’angoisse, vers son pouvoir-être-au-monde authentique. L’angoisse isole le Dasein dans son être-au-monde le plus propre, qui, en tant que compréhensif, se projette essentiellement vers des possibilités. Par suite, avec le pour-quoi [en-vue-de-quoi] du s’angoisser, l’angoisse ouvre le Dasein comme être-possible, plus précisément comme ce qu’il ne peut être qu’à partir de lui-même, seul, dans l’isolement. 2.5. L’ÊTRE-À... COMME TEL 187 L’angoisse manifeste dans le Dasein l’être-pour le pouvoir-être le plus propre, c’est-à-dire l’être-libre pour la liberté du se-choisir-et-se-saisir-soimême. L’angoisse place le Dasein devant son être-libre-pour. . . (propensio in. . . ) l’authenticité de son être en tant que possibilité qu’il est toujours déjà. Or c’est en même temps à cet être que le Dasein comme être-au-monde est remis. Ce pour-quoi [en-vue-de-quoi] l’angoisse s’angoisse se dévoile comme ce devant-quoi elle s’angoisse : l’être-au-monde. L’identité du devant-quoi de l’angoisse et de son pour-quoi s’étend même jusqu’au s’angoisser lui-même. Car celui-ci est en tant qu’affection un mode fondamental de l’être-aumonde. L’identité existentiale de l’ouvrir avec l’ouvert, identité telle qu’en cet ouvert le monde est ouvert comme monde, l’être-à comme pouvoir-être isolé, pur, jeté, atteste qu’avec le phénomène de l’angoisse c’est une affection privilégiée qui est devenue le thème de l’interprétation. L’angoisse isole et ouvre ainsi le Dasein comme « solus ipse ». Ce « solipsisme » existential, pourtant, transporte si peu une chose-sujet isolée dans le vide indifférent d’une survenance sans-monde qu’il place au contraire le Dasein, en un sens extrême, devant son monde comme monde, et, du même coup, lui-même devant soi-même comme être-au-monde. Que l’angoisse comme affection fondamentale ouvre effectivement selon cette modalité, la preuve la plus immédiate nous en est à nouveau apportée par l’explicitation quotidienne du Dasein et le bavardage. L’affection, avonsnous dit en effet plus haut, manifeste « où l’on en est ». Dans l’angoisse, « c’est inquiétant », « c’est étrange ». Ici s’exprime d’abord l’indétermination spécifique de ce auprès de quoi le Dasein se trouve dans l’angoisse : le rien et nulle part. Mais ce caractère inquiétant, cette étrang(èr)eté signifie en même temps le ne-pas-être-chez-soi. En livrant la première indication phénoménale de la constitution fondamentale du Dasein et en clarifiant le sens existential de l’être-à par opposition à la signification catégoriale de l’« inclusion », nous avons déterminé le Dasein comme habiter auprès. . . , être familier avec. . . Ensuite, ce caractère de l’être-à fut manifesté plus concrètement par la grégarité concrète du on, qui apporte le calme de l’auto-sécurité, l’« évidence » du « chez soi » dans la quotidienneté moyenne du Dasein. L’angoisse, au contraire, arrache le Dasein à son identification déchéante au « monde ». La familiarité quotidienne se brise. Le Dasein est isolé, mais comme êtreau-monde. L’être-à revêt la « modalité » existentiale du hors-de-chez-soi. Ce n’est pas autre chose que veut dire l’expression d’« étrang(èr)eté ». Ce devant-quoi fuit la déchéance comme fuite devient désormais visible phénoménalement. Elle fuit non pas devant l’étant intramondain, mais au contraire justement vers lui, comme vers l’étant auprès duquel la préoccupation, per188 2. ANALYSE FONDAMENTALE DU DASEIN due dans le on, peut se tenir dans une familiarité apaisée. La fuite déchéante dans le chez-soi de la grégarité est fuite devant le hors-de-chez-soi, c’est-àdire l’étrang(èr)eté qui se trouve dans le Dasein en tant qu’être-au-monde jeté, remis à lui-même en son être. Cette étrang(èr)eté traque incessamment le Dasein et menace, quoiqu’implicitement, sa perte quotidienne dans le on. Cette menace peut facticement s’assortir d’une totale sécurité et autarcie de la préoccupation quotidienne. L’angoisse peut monter dans les situations les plus anodines. Il n’est pas non plus besoin de cette obscurité où, communément, l’étrang(èr)eté se produit plus facilement. Car dans l’obscurité, il n’y a en effet, en un sens fort « rien » à voir — ce qui n’empêche justement que le monde est encore « là », et de façon plus insistante. Que nous ayons interprété ontologico-existentialement l’étrang(èr)eté du Dasein comme la menace qui touche le Dasein à partir de lui-même, cela ne revient pas à affirmer que l’étrang(èr)eté, dans l’angoisse factice, soit toujours déjà comprise en ce sens. Le mode quotidien sur lequel le Dasein comprend l’étrang(èr)eté est le détournement déchéant, qui « aveugle » le hors-de-chez-soi. Cependant, la quotidienneté de cette fuite le montre phénoménalement : à l’être-au-monde, à cette constitution essentielle du Dasein, qui, en tant qu’existentiale, n’est jamais sous-la-main, mais elle-même toujours en un mode du Dasein factice, c’est-à-dire une affection, appartient l’angoisse comme affection fondamentale. L’être-au-monde apaisé-familier est un mode de l’étrang(èr)eté du Dasein et non pas l’inverse. Le hors-dechez-soi doit être conçu ontologico-existentialement comme le phénomène plus originaire. Et c’est seulement parce que l’angoisse détermine toujours déjà de façon latente l’être-au-monde que celui-ci, en tant qu’être préoccupé-affecté auprès du « monde », peut prendre peur. La peur est une angoisse déchue sur le « monde », inauthentique et comme telle retirée à elle-même. D’ailleurs, facticement, même la tonalité de l’étrang(èr)eté reste le plus souvent existentiellement mécomprise. De plus, l’angoisse « authentique », du fait de la prépondérance de la déchéance et de la grégarité, est rare. Souvent, l’angoisse est conditionnée « physiologiquement ». Ce fait, en sa facticité, est un problème ontologique, il ne fait pas seulement difficulté quant à sa causalité et son déroulement ontique. Le déclenchement physiologique de l’angoisse n’est possible que parce que le Dasein s’angoisse au fond de son être. Plus rare encore que le fait existentiel de l’angoisse authentique sont les tentatives d’interpréter ce phénomène en sa constitution et sa fonction ontologico-existentiales fondamentales. Les raisons s’en trouvent en partie dans l’omission de l’analytique existentiale du Dasein en général, mais plus 2.5. L’ÊTRE-À... COMME TEL 189 spécialement dans la méconnaissance du phénomène de l’affection. Toutefois, la rareté factice du phénomène de l’angoisse ne peut rien contre le fait qu’il est particulièrement approprié à assumer pour l’analytique existentiale une fonction méthodologique fondamentale. Bien au contraire, cette rareté du phénomène indique que le Dasein, qui demeure le plus souvent recouvert pour lui-même en son authenticité par l’être-explicité public du on, demeure ouvrable en son sens originaire dans cette affection fondamentale. Certes, il appartient à l’essence de toute affection d’ouvrir à chaque fois l’être-au-monde plein selon tous ses moments constitutifs (monde, être-à, Soi-même). Néanmoins, s’il y a dans l’angoisse la possibilité d’un ouvrir privilégié, c’est parce que l’angoisse isole. Cet isolement ramène le Dasein de sa déchéance et lui rend l’authenticité et l’inauthenticité manifestes en tant que possibilités de son être. Ces possibilités fondamentales du Dasein qui est à chaque fois mien se montrent dans l’angoisse comme en elles-mêmes — non dissimulées par l’étant intramondain auquel le Dasein s’attache de prime abord et le plus souvent. Dans quelle mesure, avec cette interprétation existentiale de l’angoisse, un sol phénoménal a-t-il été conquis pour la résolution de la question de l’être de la totalité du tout structurel du Dasein ? |Ce n’est point le fruit du hasard si les phénomènes de l’angoisse et de la peur, qui restent couramment confondus, ont pénétré ontiquement et aussi — quoiqu’en ses limites très étroites — ontologiquement dans le champ de la théologie chrétienne. Ce qui s’est toujours produit lorsque le problème anthropologique de l’être de l’homme pour Dieu a obtenu la primauté et que des phénomènes comme la foi, le péché, l’amour, le repentir ont guidé la problématique. Cf. la doctrine d’Augustin sur le timor castus et servilis, qui est fréquemment discutée dans ses écrits exégétiques et ses lettres. Sur la peur (crainte) en général, v. le De diversis quaestionibus[texte et trad. fr. par A. Beckaert, dans Bibliothèque augustinienne, t. 10 (N.d.T.)], q. 33 : « de metu », q. 34 : « utrum non aliud amandum sit, quam metu carere », q. 35 : « quid amandum sit » (Migne, P. L., t. VII, 23 sq.). Luther a traité le problème de la peur non seulement dans le contexte traditionnel d’une interprétation de la poenitentia et de la contritio, mais aussi dans son commentaire de la Genèse, où l’analyse, évidemment moins conceptuelle qu’édifiante, n’en est pas moins impressionnante : cf. Enarrationes in Genesin, cap. 3, Éd. d’Erlangen, Exegetica opera latina, t. I, p. 177 sq. Mais

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